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INTERNATIONAL

Doha 2025 : les dirigeants du monde adoptent de nouvelles déclarations pour le développement social dans un contexte de crises


Alwihda Info | Par Dr Florence Omisakin, journaliste indépendant et humanitaire - 8 Novembre 2025


Trente ans après le Sommet mondial historique de 1995 pour le développement social à Copenhague, la communauté internationale s'est réunie à Doha, au Qatar, du 4 au 6 novembre 2025, pour un deuxième Sommet mondial crucial.


Discours du Secrétaire général de l'ONU lors de la cérémonie d'ouverture du deuxième Sommet mondial pour le développement social, à Doha, au Qatar. Photo : ONU/Eskinder Debebe
Discours du Secrétaire général de l'ONU lors de la cérémonie d'ouverture du deuxième Sommet mondial pour le développement social, à Doha, au Qatar. Photo : ONU/Eskinder Debebe
Convoqué par l'Assemblée générale des Nations-Unies, le Sommet visait à répondre aux enjeux d'un monde marqué par des inégalités croissantes, une transformation technologique rapide et des lacunes persistantes en matière de progrès social.

Ce Sommet, qui s'est tenu au Centre national des congrès du Qatar, se voulait un appel urgent à l'action. Son objectif principal était de réaffirmer et d'accélérer la mise en œuvre des dix engagements de la Déclaration de Copenhague de 1995, axés sur l'éradication de la pauvreté, le plein emploi et l'inclusion sociale, et de donner un nouvel élan au Programme de développement durable à l'horizon 2030.

Après une journée d'événements préparatoires le 3 novembre, le Sommet a officiellement débuté, réunissant des dirigeants du monde, des organisations internationales, la société civile et le secteur privé afin de redéfinir les stratégies pour un monde plus résilient, inclusif et durable.

Jour 1 : Transferts de fonds, droits et stratégies régionales (4 novembre)
La première journée officielle du Sommet a été consacrée à des discussions de haut niveau, axées sur les principaux moteurs du développement et les mécanismes de mise en œuvre des politiques.

Un événement parallèle majeur, intitulé « Exploiter le potentiel des transferts de fonds et des contributions de la diaspora pour le développement social en Afrique », a mis en lumière l'immense pouvoir financier, souvent sous-estimé, des migrations. Organisé par la Commission économique des Nations-Unies pour l'Afrique (CEA), en partenariat avec les gouvernements du Ghana et de la Tunisie, cet événement a été inauguré par l'allocution de Hanan Morsy, économiste en chef et secrétaire exécutive adjointe de la CEA.

Mme Morsy a révélé des chiffres impressionnants : les transferts de fonds vers l'Afrique ont bondi de 53 milliards de dollars en 2010 à 100 milliards de dollars en 2024, contribuant à hauteur de 5,1 % au PIB du continent. Ce flux dépasse désormais l'aide publique au développement (APD) et les investissements directs étrangers (IDE), ce qui en fait l'une des sources de financement extérieur les plus stables pour l'Afrique. Les discussions, auxquelles a participé la ministre ghanéenne du Genre, de l'Enfance et de la Protection sociale, l'honorable Agnes Naa Momo Lartey, ont porté sur l'intégration de ces contributions dans les stratégies nationales de lutte contre la pauvreté et de promotion de l'inclusion sociale.

Simultanément, la Table ronde de haut niveau n° 1 a porté sur le « Renforcement des trois piliers du développement social ». S’exprimant au nom des commissions régionales des Nations-Unies, Alberto Arenas de Mesa, directeur de la Division du développement social de la CEPALC, a présenté une proposition cruciale : les cinq commissions régionales des Nations-Unies (CEA, CEPALC, CEE-ONU, CESAP et CESAO), doivent jouer un rôle central dans la mise en œuvre et le suivi des résultats du Sommet.

Cette proposition s’appuyait sur un mandat régional fort. Le 4 septembre 2025, la Conférence régionale sur le développement social en Amérique latine et dans les Caraïbes, tenue à Brasilia, avait déjà chargé la CEPALC d’élaborer une stratégie régionale pour la mise en œuvre des futurs accords de Doha.

Jour 2 : Mobiliser les ressources et définir les engagements (5 novembre)
La deuxième journée a été consacrée à l’un des principaux obstacles au progrès social : le financement. Lors du Forum du secteur privé, la Présidente de l’Assemblée générale des Nations-Unies, S.E. Mme Annalena Baerbock, a adressé un message clair aux chefs d’entreprise. « Parlons chiffres », a-t-elle déclaré d’emblée, en évoquant le déficit de financement annuel de 4 000 milliards de dollars pour les Objectifs de développement durable (ODD).

« Il est parfaitement clair que le financement public à lui seul ne peut combler l’écart en matière d’ODD », a déclaré Mme Baerbock, soulignant l’importance cruciale de la mobilisation des capitaux privés. Elle a présenté cette mobilisation non comme un acte de charité, mais comme un intérêt commercial direct, en s’appuyant sur des données probantes : Les entreprises affichant de solides performances environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), déclarent des marges opérationnelles supérieures de 10 %, et un coût du capital inférieur de 20 %.

Des modèles commerciaux inclusifs pourraient générer des opportunités de marché estimées à 12 000 milliards de dollars, et créer 380 millions d’emplois d’ici 2030. Elle a cité l’immense potentiel inexploité des investissements dans les énergies renouvelables en Afrique comme un exemple éloquent, exhortant le secteur privé à contribuer à « lever les obstacles aux flux de capitaux », en instaurant un environnement favorable fondé sur la confiance et des cadres financiers communs.

Le même jour, M. Junhua Li, Secrétaire général adjoint des Nations-Unies aux affaires économiques et sociales et Secrétaire général du Sommet, a tenu une conférence de presse. Il a annoncé l'adoption de la Déclaration politique de Doha, la qualifiant d'« engagement collectif à renforcer le multilatéralisme et à accélérer le développement social, sans laisser personne de côté ». Il a confirmé que cette déclaration, non seulement consoliderait les engagements de Copenhague de 1995, mais établirait également de nouveaux engagements pour relever les défis contemporains urgents, notamment la transformation numérique, l'intelligence artificielle et le changement climatique.

Jour 3 : Adoption de la Déclaration de Doha et perspectives d’avenir (6 novembre)
La dernière journée du Sommet s’est conclue par l’adoption formelle de la Déclaration politique de Doha, témoignant d’un consensus mondial renouvelé. Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a salué la déclaration comme un « coup de pouce au développement » et un « plan pour les peuples ». Il a souligné que « le véritable développement ne se résume pas à la prospérité de quelques-uns… Il s’agit d’offrir des opportunités au plus grand nombre, fondées sur la justice sociale, le plein emploi et la dignité humaine. »

La déclaration renforce l’action sur les piliers fondamentaux que sont l’éradication de la pauvreté, le travail décent et l’inclusion sociale. Surtout, elle élargit les engagements de 1995 pour relever les défis complexes d’aujourd’hui, en appelant à une protection sociale universelle, à un accès équitable à la santé et à l’éducation, et à de nouvelles stratégies pour lutter contre la désinformation et les discours de haine. Elle ancre également fermement l’importance d’une transition numérique sûre et de la participation active des jeunes, des personnes âgées et des personnes handicapées.

Un nouveau mandat pour le sport Les États membres de l'ONU ont également adopté une déclaration spécifique visant à renforcer la contribution du sport au développement durable. Le Comité international olympique (CIO) a activement soutenu cette mesure. Dans un message vidéo, la présidente du CIO, Kirsty Coventry, a exhorté les gouvernements à transformer la reconnaissance en investissement, soulignant des études démontrant que « chaque dollar investi dans des programmes sportifs peut générer une valeur sociale de cinq à six dollars ». La stratégie Olympisme 365 du CIO a été présentée comme un outil essentiel pour atteindre ces objectifs.

Réalités nationales et suivi régional
Les sessions de la dernière journée ont ancré la déclaration de haut niveau dans les réalités nationales.
● Le Brésil a souligné que « la faim est un choix politique », citant ses programmes récents qui ont permis de sortir 24,4 millions de personnes de la faim et 7,6 millions de la pauvreté depuis 2023.
● L’Afrique du Sud a indiqué avoir étendu la protection sociale à près de 44 % de sa population, mais a fait état de difficultés persistantes liées au chômage des jeunes.
● L’Angola a mis en avant un programme de transferts monétaires bénéficiant à 1,7 million de familles vulnérables.
● Le représentant de la Palestine, rejoint par le Liban et l’Iran, a prononcé une intervention solennelle, déclarant que le conflit et l’occupation sapent tous les fondements du progrès social, et que « la paix durable commence par la justice sociale et la dignité pour tous les Palestiniens ».

Les commissions régionales des Nations-Unies se sont réunies à nouveau pour formaliser leur rôle. Alberto Arenas de Mesa (CEPALC) a réaffirmé la proposition de confier le suivi aux commissions, en présentant un rapport régional proposant un « pacte mondial pour un développement social inclusif ».

Dans son discours de clôture, la Secrétaire générale adjointe de l'ONU, Amina Mohammed, a mis en garde contre tout relâchement, affirmant que les changements progressifs ne suffisent pas. « Le véritable progrès ne se réalise que lorsque nous avançons ensemble, sur tous les fronts. »

Un cadre d'action : Progrès et lacunes persistantes
Au-delà de la déclaration, le Sommet a lancé la Plateforme de Doha pour les solutions de développement social, un mécanisme défendu par Annalena Baerbock, présidente générale du Conseil, visant à « transformer les engagements en solutions concrètes ». Dès le début du Sommet, près de 150 nouvelles initiatives émanant de gouvernements et de parties prenantes étaient enregistrées sur la Plateforme.

Cette dynamique de recherche de solutions s'inscrit dans un contexte statistique alarmant :
● Les progrès : Depuis 1995, près de 1,5 milliard de personnes sont sorties de l'extrême pauvreté. Le taux de pauvreté au travail a chuté de 27,9 % en 2000 à 6,9 % en 2024, et le travail des enfants a été réduit de plus de moitié.
● Les lacunes : Les progrès restent fragiles. En 2023, 808 millions de personnes vivaient encore dans l'extrême pauvreté et 1,1 milliard dans la pauvreté multidimensionnelle. Une crise mondiale du logement touche 3 milliards de personnes qui n'ont pas de logement adéquat (dont 300 millions sont sans abri), et un tiers de la population mondiale est en situation d'insécurité alimentaire.

Le Conseil de l’Europe, commentant les résultats du Sommet, a noté que son plaidoyer en faveur de l’autonomisation des jeunes, thème qu’il a défendu lors du Sommet des Nations-Unies sur l’avenir en septembre, se reflétait clairement dans la Déclaration de Doha. Il a précisé que ce travail se poursuivra lors d’une Conférence de haut niveau sur les droits sociaux à Chișinău en mars 2026, où les nations feront le point sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de ces nouveaux engagements.

Vue des participants au deuxième Sommet mondial pour le développement social. Photo : ONU
Vue des participants au deuxième Sommet mondial pour le développement social. Photo : ONU

Quelques délégués présents à l'événement. Photo : cepal.org
Quelques délégués présents à l'événement. Photo : cepal.org



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